Huit ans après le lancement de sa campagne Kickstarter, le jeu indépendant d’horreur Scorn s’apprête enfin à sortir sur Xbox Series X|S et PC (avec une disponibilité day one dans le Xbox Game Pass).
Huit années de développement, c’est beaucoup. Et malheureusement, en général, c’est plutôt synonyme d’échec que de réussite. Une longue gestation sur laquelle le studio a d’ailleurs joué dans une bande-annonce « Vous avez suffisamment attendu ». L’attente en valait-elle la peine ? Scorn parvient-il à exister au-delà de son esthétique à la Alien ? On en a vu des bizarreries pour répondre à cela...
Scorn, l’ode à H.R. Giger (Alien) et au body horror
Durant toutes ces années, Scorn a eu le temps d’évoluer et d’affirmer pleinement son esthétique directement inspirée de l’artiste Hans Ruedi Giger. Le créateur du Xénomorphe et du vaisseau d’Alien. Oui, malgré tout le talent de Ridley Scott à cette époque, le réalisateur lui doit donc énormément. On ne va pas faire durer le suspens, en termes de direction artistique, le titre d’Ebb Software est une énorme gifle. Chaque environnement transpire le style biomécanique qui consiste en l’association des mondes biologique et technologique, si cher à H.R. Giger. Dans un des actes, les développeurs se lâchent complètement dans ce domaine avec des sculptures très sexualisées comme on peut le voir chez l’artiste.
On retrouve cette dimension aussi attirante que dérangeante dans des environnements où la machine et l’humain se confondent, dans une maestria visuelle et graphique. C’est assurément LA grande qualité du jeu qui sur ce point ne déçoit heureusement pas. On est subjugué de bout en bout par ce monde époustouflant, ces décors et représentations. Par moments, la musique aurait pu tout de même se faire plus présente pour les sublimer et apporter ce « wow effect » à l'entrée de certaines pièces. Les sons d'ambiance auraient pu aussi être mieux employés ici et là pour créer un malaise encore plus fort. Prenez le jeu indépendant Visage : la bande sonore est minimaliste au possible mais plus percutante. Le fait d'être jeté dans le jeu, sans aucune indication, renforce également la superbe ambiance générale instaurée.
Évidemment, comment ne pas citer non plus H.P. Lovecraft mais surtout David Cronenberg pour l’aspect Body Horror, l’art de l’horreur corporelle qui explore les transformations du corps humain. Ce qui transparaît d'ailleurs tout au long du titre chez le personnage que l'on incarne… On croirait que les armes et autres accessoires sont tout droit sortis d'ExistenZ. Mais voilà, si Scorn puise dans les bons côtés de certaines œuvres de Cronenberg, il en embrasse aussi certains défauts. De façon globale, comme pour son dernier film Les Crime du Futur, on s’est régulièrement demandé ce qu’on faisait là…
Un FPS ? Un puzzle-game ? Tout autre chose ?
Qu’est-ce que Scorn ? Beaucoup de joueurs ont dû se poser la question. C’est finalement le studio qui, sur le tard, définit le mieux l’expérience à savoir un « jeu d'aventure-horreur atmosphérique en vue subjective dans un univers cauchemardesque grouillant de formes étranges et de sombres tableaux ». Le mot atmosphérique est particulièrement à propos car le rythme du titre est lent et surtout fait d’exploration dans des décors renversants, à la fois labyrinthiques et dans le fond, quand même dirigistes. Et on a beau être extrêmement client et loué tout le travail esthétique réalisé par les développeurs, on a souvent somnolé durant la progression. On a trop ce sentiment d'errer sans objectif, avec des obstacles ajoutés (puzzles, combats) pour nous freiner, dans le but de ne pas avoir qu'un simple walking-simulator qui se terminerait en deux heures.
Aurions-nous impérativement voulu des combats pour changer cela ? Pas le moins du monde, d’autant que le soft en a, mais c'est justement un gros point faible. Les quelques créatures à tuer semblent plus avoir été mises là pour correspondre à un cahier des charges formaté afin d’attirer un certain public et s'implantent mal avec le reste. On apprécie bien plus de les voir incorporés aux environnements, en gesticulant avec des bruits bien dégoûtants, qu’à nous chercher les ennuis en nous crachant leur venin à la figure. Dommage car le visuel organique des armes lui est en revanche une franche réussite. Et ce boss, ce boss… non vraiment, les affrontements n’étaient pas nécessaires ou du moins, pas dans cette forme trop survolée.
L’autre mécanique principale de Scorn sont les puzzles à résoudre. Aucun indice ne vous sera donné et ils reposent sur votre observation. Le souci est le suivant : ils ne se renouvellent pas suffisamment et ont trop souvent cette même base qui repose sur des mécanismes à tourner / bouger. Ebb Software aurait pu alterner avec des énigmes davantage axées sur la réflexion en s’appuyant par exemple sur le cadre grandiose qu’il a mis en place. On aurait pris du plaisir à fouiller pour interagir avec et parvenir à une solution. La redondance est d’autant plus énervante qu’il n’y a pas d’option pour réinitialiser directement un puzzle. Cette progression peut aussi être frustrante par le choix du système de sauvegardes. Ici, on doit faire confiance au jeu et ce au risque de perdre dans notre avancée. Des sauvegardes manuelles, mais limitées, auraient été bien plus pertinentes d’autant que le visuel qui symbolise l’avancement dans les actes ne renseigne en rien de là où nous nous arrêtons. Quant à l'horreur, vous allez en voir, c'est certain, mais Scorn ne vise pas à vous faire sauter de vos canapés.